Réguler les intelligences artificielles ? Vraiment ?

3 02 2024

Les États membres de l’Union européenne semblent se féliciter d’avoir approuvé vendredi 2 février une esquisse de cadre législatif (un « AI Act ») prétendant aider à réguler l’« intelligence artificielle ». Difficile en effet de ne pas entendre parler du sujet ces derniers temps, notamment parce que cette technologie a connu des avancées paraissant de nature à transformer notablement le paysage socio-économique dans les années qui viennent. Et pas seulement avec ChatGPT…

La science-fiction a d’une certaine manière pensé ces enjeux depuis bien longtemps. Et il y a en son sein un sous-genre, le cyberpunk, qui inciterait plutôt à une forme de scepticisme devant la pointe d’autosatisfaction de ces acteurs institutionnels. C’est l’occasion de renvoyer à un article paru l’année dernière pour expliquer pourquoi :

Résumé :
Au sein de la science-fiction, le sous-genre cyberpunk a été important dans la représentation spéculative des « intelligences artificielles » et de leurs effets. Entre fascination et anxiété, ces récits littéraires offrent aussi un laboratoire réalisant un travail de problématisation et faisant déjà apparaître un ensemble d’enjeux de régulation et de contrôle. Partant des principales œuvres de ce courant, notamment celles des premiers auteurs américains des années 1980, l’article propose d’appréhender ces représentations et ce que ces mises en scène révèlent comme difficultés ou même risques pour les humains dans leurs rapports avec ces entités. Il revient ensuite plus précisément sur les tentatives esquissées pour retrouver des formes de contrôle et, surtout, sur les limites presque inévitables qu’elles permettent de repérer et de penser.

                    #CyberpunkIsNow

Neuromancer: A cyberpunk role-playing adventure (jeu vidéo, 1988)




Voies et ambiguïtés des politiques de développement durable

16 08 2009

Je profite du temps que laissent un peu les vacances d’été pour mettre en ligne un texte relativement ancien qui, à ma grande surprise, s’est avéré souvent cité alors qu’il n’a jamais été publié. Sans doute des copies ont-elles circulé entre les personnes qui ont commencé à s’intéresser en France aux enjeux politiques du « développement durable » au début des années 2000.

Cette communication, qui s’intitulait « Voies et ambiguïtés du repositionnement de la régulation publique face au développement durable. Esquisses d’analyses à partir du cas français », avait été présentée pour le Séminaire Interdisciplinaire sur le Développement Durable à l’Institut Fédératif de Recherche sur les Economies et les Sociétés Industrielles (IFRESI), à Lille le 7 décembre 2000. Elle peut être téléchargée ici ou sur la page Communications, où sont également disponibles d’autres présentations en colloques, conférences et séminaires.

Il faudrait que je prenne un jour le temps de retravailler le texte pour en faire une véritable publication. Mais on ne peut pas tout faire…





Le gouvernement du changement total. Sur la transition au « développement durable » et sa gestion

16 11 2008

 

J’ai soutenu il y a quelques mois un mémoire d’habilitation à diriger les recherches (intitulé Le gouvernement du changement total. Sur la transition au « développement durable » et sa gestion) et je suis en train de le retravailler pour pouvoir le publier sous forme de livre accessible à un public plus large. En attendant cette publication, je vais essayer de présenter progressivement le contenu de cette recherche sur ce blog, sachant que certains résultats et prolongements sont en train de paraître ou sont en évaluation dans des revues académiques (voir la page Publications). L’idée est de mettre ce travail en discussion et de confronter les analyses avec les réactions des lecteurs intéressés.

 

Avant la mise en ligne des premiers éléments, voici le synopsis de ce projet de livre.

 

Le gouvernement du changement total

 Sur la transition au « développement durable » et sa gestion

 

Le « développement durable » est à l’ordre du jour et pèse de plus en plus comme référence apparemment incontournable. Avec lui s’est installé un nouveau grand but qui semble devenu impératif et général : faire changer l’ensemble de la société. Si ce nouvel enjeu collectif est de plus en plus considéré comme majeur, c’est qu’il concerne le devenir de la planète elle-même, soumise à des pressions et des menaces suffisamment nombreuses et graves pour justifier le besoin d’une ferme réaction générale.

 

Beaucoup d’emballage rhétorique entoure encore cette thématique du « développement durable », mais sa circulation a aussi des effets pratiques qui commencent à devenir visibles, notamment dans les activités de gouvernement. Au point même que l’ordre et le fonctionnement institutionnels peuvent paraître à une période de basculement, sous l’effet précisément de transformations, de reconfigurations, d’ajustements qui semblent s’accumuler. C’est donc à un autre stade de la réflexion qu’il faut dorénavant passer pour appréhender plus précisément cette apparente dynamique d’adaptation générale.

 

En prenant pour objet le « développement durable », l’objectif de cette étude est justement de mieux cerner les prolongements, les implications, les incarnations de ce grand but en terme de tâches et d’activités gouvernementales. Pourquoi ? Parce que dans leur adaptation pourrait bien se jouer une profonde mutation. La manière dont est institutionnellement saisie et mise en chantier la transition au « développement durable » peut en effet participer à l’émergence d’une nouvelle configuration historique. L’évolution en jeu touche le cœur des institutions contemporaines, précisément leur rapport au changement et à sa prise en charge collective. De fait, derrière les multiples ajustements et repositionnements qui s’effectuent, semblent prendre forme et s’assembler les pièces d’un nouveau grand dessein commun, qui serait désormais de piloter et gérer un changement profond et général.

 

C’est principalement cet agencement, ses logiques organisatrices et les processus de réarrangement qui lui donnent forme que cette étude propose d’interpréter. Il ne s’agit pas en effet de se contenter d’avancer un cadre de réflexion sur l’ancrage de cette thématique du « développement durable » dans les sphères institutionnelles. Il faut surtout saisir ses modalités de prise en charge et ses effets pratiques, autrement dit examiner attentivement ce que cette dynamique peut induire comme transformations dans l’ordre institutionnel et gouvernemental. Cette étude est donc aussi un moyen d’esquisser une perspective théorique sur et à partir de la manière dont les institutions en place prétendent engager la transition vers un stade « durable » du développement, d’autant que ce processus semble entraîner avec lui une série de repositionnements des modes de gouvernement et de régulation des activités humaines.