Une référence en passant, pour profiter de la reprise (découverte un peu par hasard) de certains de mes textes. La Documentation française a en effet consacré un numéro de sa revue Problèmes politiques et sociaux (n° 982) à la « consommation engagée » (refus de certains produits, préférence pour des produits labellisés, circuits commerciaux alternatifs…). Cette compilation d’extraits d’articles et de contributions est une manière de signaler un champ en pleine reconfiguration et surtout de ne pas rester avec un regard trop naïf sur ce mélange d’actions individuelles et collectives dans l’univers commercial.
Parce qu’elle n’est pas qu’une activité de bout de chaîne et qu’elle peut avoir des implications problématiques (pour l’environnement, pour les conditions de travail…), la consommation est revenue dans les débats. Mais, et c’est là où c’est aussi intéressant, pas tout à fait sur le terrain politique. Si la consommation (re)devient un objet de questionnement et d’action, c’est par des processus où le registre moral semble souvent l’emporter sur le registre politique. Le concept de « subpolitique », proposé par le sociologue allemand Ulrich Beck, est peut-être pour cela plus pertinent. Dans ses réflexions autour de ce qu’il a appelé la « société du risque » (déjà au milieu des années 1980), il faisait remarquer que les frontières entre le politique et le « non-politique » devenaient plus indéterminées. Ce qui était politique ne suscite plus un intérêt massif et devient « non-politique », donnant ainsi l’impression que toute une série d’institutions continuent formellement à fonctionner, mais dans la vacuité (comme pourrait le confirmer en France l’abstention lors des dernières élections cantonales). En revanche, des activités qui pouvaient ne pas paraître proprement politiques semblent rentrer dans des processus de politisation, ou du moins dans des remises en question qui sont au bord du politique.
Ce semble être le cas pour les activités de consommation, mais sous des formes qui restent effectivement aussi pleines d’ambiguïtés. D’abord, parce que la consommation « éthique », « responsable », « durable », est aussi devenue un marché. Ensuite, parce que, même si le consommateur ne paraît plus passif, il ne s’agit pas forcément de toucher au niveau de vie. De fait, la critique peut avoir plusieurs niveaux, soit en visant certaines formes de consommation, soit en visant la « société de consommation » elle-même.
D’où l’intérêt, comme le fait un peu la revue, d’essayer de croiser ces enjeux liés à la consommation avec la problématique de la décroissance. Dans ce courant de réflexion, la question est davantage celle de la possibilité d’améliorer la qualité de vie sans que cette dernière soit indexée à un accroissement quantitatif et continu des consommations matérielles. Mais pousser la remise en cause jusqu’à ce point revient à toucher à une pièce centrale des économies contemporaines. Que la consommation se trouve freinée et surgissent rapidement des discours réactivant une peur de voir grippée la mécanique économique.
Plutôt que de redire des choses que j’ai déjà dites ailleurs, je renvoie directement aux textes qui ont été repris :
– « La décroissance soutenable face à la question du « comment ? ». Une remise en perspective par les processus de transition et leurs conditions de réalisation »,
article paru dans Mouvements, n° 59, juillet-septembre 2009.
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– « La « consommation durable » comme nouvelle phase d’une gouvernementalisation de la consommation »,
article paru dans la Revue Française de Science Politique, vol. 59, n° 5, Octobre 2009.
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En cherchant bien, on peut aussi retrouver des textes complets des autres auteurs directement en ligne.