Les enjeux écologiques sont aussi des enjeux de démocratie. Ils dépendent en effet de choix socio-économiques et techniques plus ou moins lourds qui devraient être à discuter de manière collective. Autour de la thématique du « développement durable » s’est constituée une forme de programme de gouvernement de la société qui est de ce point de vue très intéressante à étudier. Cette thématique comporte en effet une part de discours qui semblent encourager une attention à la qualité de la démocratie et de ses modes de fonctionnement. Diverses améliorations des procédures politiques semblent recherchées : sur les conditions de transparence de l’information, sur les possibilités de circulation des connaissances acquises, sur les dispositifs à renforcer pour faciliter la concertation ou la participation…
À l’analyse, il faudrait plutôt parler d’une absorption de la thématique démocratique dans la problématique du « développement durable ». La dimension démocratique y est de plus en plus apparue réemballée dans le vocabulaire de la « gouvernance ». Au motif de mettre l’ensemble de la société sur la voie d’un « développement durable », le public s’est trouvé reconstruit en un ensemble de contributeurs, pouvant être enrôlé par une série de dispositifs allant des pratiques de concertation déjà connues jusqu’à des expériences de participation plus novatrices. Toute une série de discours, institutionnels mais aussi militants, à teneur fortement mobilisatrice, tend ainsi à construire une image du citoyen qui écoute ce qui lui est dit et qui tient compte de ce qui lui est conseillé. L’institutionnalisation de dispositifs participatifs, par exemple dans le cadre des « agendas 21 locaux », est aussi à interpréter par rapport à cet esprit qui imprègne de manière croissante l’action publique.
De fait, les espaces de discussion qui souvent prennent forme sous impulsion institutionnelle sont aussi des espaces dans lesquels sont tout aussi souvent mises en forme des prescriptions. C’est pourquoi il peut être délicat d’associer cette dynamique récente à une forme de démocratisation, dans la mesure où elle semble davantage aboutir à une utilisation tendancielle de la démocratie comme technologie de gouvernement. Ou alors, comme le spécialiste canadien de théorie politique Mark E. Warren, faudrait-il peut-être plutôt parler de « démocratisation fonctionnant à la gouvernance » (Cf. « Governance-Driven Democratization », article paru dans Critical Policy Analysis, vol. 3, n° 1, April 2009, et accessible en ligne dans une ancienne version), un processus par lequel la « démocratisation » résulterait davantage de la recherche par les responsables politiques et administratifs de manières plus efficaces de gouverner. Un tel alliage conceptuel peut susciter de profondes discussions, car participation et dialogue ne signifient pas forcément écoute, et l’engagement citoyen peut s’avérer au final limité.
Pour les curieux qui souhaiteraient des arguments plus développés, je renvoie à un article qui était paru dans la revue électronique Vertigo et qui fournira également des éléments plus empiriques : « Le “développement durable” appelle-t-il davantage de démocratie ? Quand le “développement durable” rencontre la “gouvernance”… », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement, vol. 8, n° 2, octobre 2008, accessible en passant par ici.