Le gouvernement du « développement durable » (mémoire d’HDR)

25 08 2008

 

 

 

Le gouvernement du changement total

Sur la transition au “développement durable” et sa gestion

 

Mémoire d’Habilitation à Diriger les Recherches

présenté à

l’Ecole Normale Supérieure de Cachan (18 juin 2008)

 

 

Résumé :

 

La mise à l’ordre du jour du « développement durable » a installé un nouveau grand but qui semble devenu impératif et général : faire changer l’ensemble de la société. À travers cette conceptualisation, c’est en effet tout un projet collectif qui se trouve plus ou moins nettement dessiné, un projet visant une transition vers un mode de développement dont les conséquences néfastes seraient éliminées, garantissant donc le devenir de la planète face à des pressions qui ont paru de plus en plus lourdes à supporter. De multiples échos, médiatiques, scientifiques, politiques, répercutent des menaces qui se révèlent suffisamment nombreuses et graves pour justifier une ferme réaction collective.

Le thème du « développement durable » semble en être une expression et un prolongement. Son succès peut se mesurer à la quantité croissante de réflexions qu’il a suscitée. Dans les plus proches des sciences sociales, l’emballage idéologique, rhétorique, de la problématique y a été abondamment souligné, notamment par ceux qui se sont efforcés d’en retracer l’origine ou la diffusion. Mais l‘analyse doit maintenant aller au-delà, car la saisie de plus en plus fréquente de l’enjeu semble quitter le simple registre rhétorique et les effets pratiques de la circulation de cette thématique commencent à s’accumuler. Au point même que l’ordre et le fonctionnement institutionnels peuvent paraître à une période de basculement, sous l’effet précisément de transformations cumulatives. C’est donc à un autre stade de la réflexion qu’il faut dorénavant passer pour appréhender plus précisément cette dynamique adaptative apparente.

En prenant pour objet le « développement durable », l’objectif de cette étude n’est pas de refaire l’analyse d’une production idéologique, de se limiter à l’interprétation du sens d’un concept ou à l’histoire de son implantation, ce qui reviendrait à répéter des travaux qui commencent à devenir redondants. Il est davantage de cerner les prolongements, les implications, les incarnations de ce grand but en terme de tâches et d’activités gouvernementales. Dans l’adaptation de ces dernières pourrait en effet bien se jouer une mutation plus profonde. La manière dont ces activités saisissent et mettent en chantier le vaste ajustement envisagé peut participer à l’émergence d’une nouvelle configuration historique, dont dépendra aussi la capacité collective à saisir cet enjeu d’un développement supposé pouvoir devenir « durable ». Ce nouveau moment historique percerait notamment dans l’évolution du rapport des institutions au changement et à sa prise en charge collective. Derrière les multiples ajustements et repositionnements qui s’effectuent, semblent prendre forme et s’assembler les pièces d’un nouveau grand dessein commun, qui serait désormais de piloter et gérer un changement profond et général. C’est principalement cet agencement, ses logiques organisatrices et les processus de réarrangement qui lui donnent forme que cette étude propose d’interpréter. Précisément parce que le travail de gouvernement, en pénétrant sur ce nouveau terrain, semble changer de registre.

Si se joue un processus historique de réorganisation collective, comme certains indices semblent l’indiquer, il est important de le repérer et de l’analyser. Cette étude ne vise donc pas simplement à construire un cadre de réflexion sur l’ancrage de cette thématique du « développement durable » dans les sphères institutionnelles. Elle vise surtout à saisir ses modalités de prise en charge et ses effets pratiques. Il n’est pas seulement intéressant de voir comment cette dynamique a émergé (travail qui est déjà largement engagé), mais aussi ce qu’elle peut induire comme transformations dans l’ordre institutionnel. Le thème est d’autant plus important à étudier qu’il apparaît comme un facteur et une aire de transformations des modes de gouvernement et de régulation publique et qu’il peut, par la même occasion, servir d’analyseur de processus adaptatifs.

L’étude est ainsi organisée en cinq étapes.

La première revient sur les voies et fondements par lesquels la thématique du « développement durable » trouve une cohérence au point de finir par représenter une nouvelle forme de projet collectif. Elle montre aussi que sa robustesse et ses ramifications tiennent aux réseaux de plus en plus étendus capables de l’appuyer.

La deuxième étudie comment, à travers l’objectif de « développement durable », prend forme et se développe dans la sphère institutionnelle un travail cognitivo-pratique et réflexif sur le changement, tentant notamment de repérer et créer les conditions nécessaires pour celui-ci, de trouver les leviers et les moyens d’action pour le réaliser.

La troisième examine la (re-)construction d’une prétention régulatrice, axée notamment sur une gestion anticipée des conséquences, et les dispositifs d’accompagnement qui se développent, sous forme d’indicateurs notamment, à la fois en incarnant celle-ci et en contribuant à la conforter.

La quatrième vise à pénétrer l’évolution du processus de rationalisation et notamment l’apparente réorientation que semble marquer ce processus, précisément en revenant sur lui-même à travers le déploiement de la thématique du « développement durable ». Cette troisième partie montre l’assimilation procédurale qui tend à s’effectuer et analyse, à partir des démarches de formation des agents publics, les possibilités d’apprentissage collectif.

En revenant sur les aspirations diffuses à la recréation d’une communauté de destin et à l’ajustement des modes de consommation par le biais du « développement durable », la cinquième et dernière partie porte sur les dynamiques tâtonnantes de redéfinition et de réorganisation du collectif et de ses modes de gouvernement.

La conclusion termine ce parcours en essayant de comprendre les ambiguïtés et les tensions qui marquent les évolutions perceptibles.

 

Jury :

Dominique Bourg, Professeur à l’Université de Lausanne

Patrice Duran, Professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Cachan

Pierre Lascoumes, Directeur de recherche CNRS

Patrick Le Galès, Directeur de recherche CNRS

Pierre Mathiot, Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Lille


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Une réponse

3 08 2009
Petty N'winitcha Tanghanwaye N'mo

Bonjour,
Je viens de lire avec beaucoup d’attention et d’intérêt le résumé sur votre mémoire « le gouvernement du développement durable ».
J’avoue que je suis séduit par les aspects que vous avez développés. Je serai bien ravi d’avoir une copie du mémoire pour l’explorer davantage.

Merci et bon courage

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