Conclusion : les potentialités en devenir de la production entre pairs sur la base de communs

10 04 2014

Cette série de billets sur la « production entre pairs sur la base de communs » visait à montrer qu’elle peut aussi avoir des potentialités transformatrices lorsqu’elle s’expérimente dans le monde physique. L’intention était conjointement de reconceptualiser ces expérimentations, de façon à ne pas les voir simplement comme de nouveaux espaces d’activités plus ou moins collectives. Les porteurs de ces initiatives parviennent à intéresser, enrôler et mobiliser des individus au point de finir par former des communautés parvenant à s’étendre. Un type différent de système productif (distribué, ouvert, collaboratif, contributif, non marchand) paraît ainsi émerger. Des forces productives se découvrent, découvrent leur potentiel, s’efforcent de le maintenir.

P2P ValueÀ travers leurs promesses et pratiques, ces projets portent aussi un imaginaire alternatif ; ils tentent de retrouver une forme d’abondance, dans laquelle la logique n’est pourtant pas l’accumulation. Ces actions collectives, à partir de contributions même minimes et variables, se veulent davantage créatrices de communs.

Une production est ainsi offerte à la collectivité sans nécessaires contreparties. Le produit du travail n’appartient à personne en particulier. Les ressources qui sont rendues disponibles ont au surplus l’avantage d’être renouvelables pour peu qu’elles soient entretenues. Des expérimentations comme celles des Incroyables comestibles permettent ainsi d’amorcer une reconnexion à des moyens de subsistance. Précisément, et en reprenant le vocabulaire de Yochai Benkler, les Incroyables comestibles proposent à leur manière (et sans forcément en être conscients) de réorganiser la production alimentaire selon des principes de modularité et de granularité, par petites tâches décomposables et adaptables. Et pour les individus qui s’engagent davantage dans ces activités, elles peuvent représenter un moyen de ne plus être assignés à une position de consommateurs passifs, puisqu’ils tendent aussi à devenir coproducteurs.

Bien entendu, selon le type de production envisagée, les manières de collaborer ne sont pas les mêmes et peuvent requérir des médiations différentes (typiquement, un usage plus ou moins intense des communications informatiques). Le « coût » d’entrée dans ces coopérations est plus ou moins important, en fonction de la nature des productions et de leur degré de technicité. Des connaissances peuvent être en effet nécessaires.

La collaboration à distance a aussi ses limites (partageant ainsi des dilemmes et difficultés déjà repérés pour les logiciels libres). Les contributions étant libres, les investissements peuvent être différenciés et plus ou moins intenses. Il faut aussi une disponibilité des contributeurs potentiels. Comme pour le bénévolat, les intérêts pour un projet peuvent donc être volatiles. Et la difficulté peut être alors d’en conserver une masse suffisante.

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Les réflexions qui viennent d’être étalées sur plusieurs billets sont encore largement en cours. Elles seront présentées en juin aux 14èmes Journées Internationales de Sociologie du Travail à Lille.

Pour faciliter la lecture et les éventuelles discussions, le texte complet est aussi disponible en un seul fichier pdf.

 


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