La médiation artistique comme autre voie d’exploration politique des réseaux

5 12 2010

Dans un article paru dans la revue Raison publique (« La connaissance et la praxis des réseaux comme projet politique »), j’avais écrit sur le potentiel politique d’une appréhension de nos sociétés par leurs réseaux, et plus précisément par leur traçage au sens propre du terme. J’ai découvert, mais a posteriori, l’œuvre de l’artiste américain Mark Lombardi, qui m’a forcément intéressé parce qu’il a tenté d’explorer, à sa manière, les « réseaux globaux » dans lesquels s’interpénètrent les milieux politiques et financiers.

L’idée qui guide son travail est en effet de représenter de manière stylisée des espèces de récits visuels, de structures narratives, sous forme de points et de flèches reliant des noms, des événements, des transferts financiers. Je mets ci-dessous quelques exemples, en étant bien conscient qu’un tel travail est difficile à rendre sur l’écran d’un blog, compte tenu des tailles originales des œuvres.

Même si ce travail artistique ne recherche pas la même rigueur scientifique que les graphes de la network analysis, plus conforme aux canons des sciences sociales, il est loin pour autant d’être dénué d’intérêt sociologique et il a aussi une certaine puissance d’évocation. Une des œuvres de Mark Lombardi, réalisée en 1999, a notamment pris un relief particulier après les attentats du 11 septembre 2001. Intitulée « George W. Bush, Harken Energy, and Jackson Stephens c. 1979-90 (5th version) », elle essayait en effet de retracer une affaire plus ancienne et, en plus de certains intérêts des milieux pétroliers, donnait par la même occasion à voir des liens qui rapprochaient les familles Bush et Ben Laden.

Le lecteur intéressé trouvera une brève présentation de cette forme de réflexion et d’expression artistique dans un article de Laurent Jeanpierre récemment paru dans le n° 759-760 de la revue Critique. L’article (« Manières de faire des graphes ») signale aussi d’autres artistes ou groupes d’artistes qui rejoignent le même genre d’inspiration et tentent de déployer d’autres représentations cartographiques, potentiellement stimulantes par les réflexions critiques et politiques qu’elles peuvent contenir et enclencher. On peut du reste se demander dans quelle mesure Mark Lombardi (l’artiste est décédé en mars 2000) aurait pu avoir envie de se saisir de révélations comme celles contenues dans le dernier flux de fuites diplomatiques de WikiLeaks, puisque ces révélations sont dans l’actualité.

Une incitation en tout cas à garder un œil sur l’« art contemporain » comme façon de réfléchir sur le monde tel qu’il va (à l’heure d’ailleurs où Sciences Po Paris tente de faire le même genre de choses, de manière plus institutionnelle, avec sa très latourienne École des Arts Politiques).


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4 responses

9 01 2011
PRAT

Ca me fait penser au site « Pearltrees » qui reprend les « mapminds » pour proposer une organisation du web par les internautes.

Et aussi au travail de McCandless : http://www.informationisbeautiful.net/visualizations/the-billion-dollar-o-gram-2009/
Ou de GOOD : http://www.good.is/departments/Transparency/

Que je trouve tous 2, très « cognitif », parlant, voire d’utilité publique…

10 01 2011
yrumpala

Merci. Il semble y avoir actuellement un foisonnement d’initiatives de « visualisation » de toute une série de données et c’est effectivement d’utilité publique.

18 02 2011
Amada

Merci d’exposer vos réflexions,
et particulièrement celle sur la sociologie des élites, visiblement en berne… Alors qu’il est temps de rendre visibles ces réseaux de pouvoir qui nous manipulent dangereusement.
Cordialement
Amada

9 01 2014
DOM

Merci à ARTE d’avoir mis en lumière et d’avoir permis de faire connaitre l’un de ces artistes engagés, qui meurent soudainement au sommet de leur art , auxquels , nous citoyens ,devons un profond respect et beaucoup de reconnaissance .
Thanks Mark

lien http://www.arte.tv/guide/fr/043707-000/mark-lombardi-artiste-conspirateur

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